Le quartier de Moulins compris entre les rues de la Flèche, de Wagram, Pasteur et d’Allier n’a pas su conserver, contrairement à ses voisins, des témoins de son passé. Cependant, en consultant les archives et les divers ouvrages consacrés à l’histoire de la ville, on constate que cet îlot mérite que l’on s’y intéresse.
Dans son ouvrage « Moulins en 1460 », Marie Litaudon mentionne qu’au XVe siècle, il avait peu de superficie et ne comptait que quelques immeubles : 9 au total. De plus, un plan établi par l’auteur (photo n° 1) indique qu’il était comme maintenant, limité au Nord par la rue d’Allier et à l’Est par la rue de la Flèche. Par contre, au Sud et à l’Ouest, il n’allait pas au-delà du rempart de la première enceinte qui le séparait des faubourgs. Le rempart reliait la porte d’Allier à l’Ouest (photo n° 2) et la porte des Carmes appelée aussi « guichet Fromental » au Sud. La première se trouvait non pas à la hauteur de la rue Candie mais à celle du n° 30 de la rue de la Flèche. Elle n’existe plus. Elle a été démantelée en 1784. Quant à la seconde, elle aussi a été démolie. Elle se trouvait à la hauteur des n° 31 et 33 de la rue d’Allier. Enfin, le plan indique qu’au carrefour des rues principales de la cité se trouvait le puits des Quartes utilisé comme point de repère dans les titres de propriétés. (Photo n° 3).
L’origine de son nom n’est pas sans rapport avec son emplacement. Il fut supprimé en 1893 en raison de la mauvaise qualité de son eau.
Le plan de Moulins au XVIIe siècle, établi par Marie Litaudon et publié dans son ouvrage « Moulins en 1660 », permet de constater qu’à cette époque ce quartier s’était sensiblement modifié depuis le XVe siècle (photo n° 4).
Tout d’abord, le nombre de propriétés avait augmenté, dû à une occupation du sol, pour chacune, moins importante. De plus, les fossés de la première enceinte, laquelle n’était pas encore démolie, avaient été en partie comblés. Ils avaient fait place à des boutiques, des maisons et des jardins répartis de chaque côté d’un étroit canal, qui fut recouvert par la suite par des constructions. Ce canal est aujourd’hui connu sous le nom de « Nid de Merle ». C’est actuellement une galerie souterraine d’environ 1m20 de hauteur et 0,80 de largeur (photo n° 5). Il semblerait qu’il capte les eaux d’une nappe située à proximité de l’étang Bréchimbault. Comme le plan l’indique, il longeait les murailles jusqu’au-delà de la porte d’Allier et rejoignait le Ry Bréchimbault. (Photos n° 6 et 7).
En définitive, comme au XVe siècle, ce quartier, deux siècles plus tard, était limité au Nord par la rue d’Allier et à l’Est par la rue des Carmes, aujourd’hui rue de la Flèche. Le nom actuel lui a été donné pour rappeler l’enseigne d’une célèbre coutellerie de Moulins. Au XVIIe siècle, c’est dans cette rue, à l’emplacement du n° 25 que se trouvait le bureau des coches ou des courriers, lequel deviendra plus tard celui des messageries. Enfin, c’est dans ce même lieu que fut ouvert le 22 novembre 1858, le Cercle de Commerce qui émigra le 2 juin 1877 à l’endroit où se trouve actuellement la Chambre de Commerce.
Quant aux limites Sud et Ouest de ce quartier, ainsi qu’il a déjà été dit, elles se sont déportées au-delà de la première enceinte jusqu’à la rue Pasteur et à la rue de Wagram. Ces deux rues d’ailleurs épousent le tracé des anciens murs mais à une vingtaine de mètres de distance.
Au XVe siècle, ce quartier intra-muros était essentiellement occupé par des marchands. Ce terme de « marchand » s’appliquait indistinctement à tous ceux exerçant une activité commerciale quelconque : drapiers, merciers, épiciers, apothicaires, etc…
Au XVIIe siècle, les maisons alignées sur le côté sud de la rue d’Allier, du puits des Quartes jusqu’à la porte d’Allier, étaient presque toutes aux mains de bourgeois (avocats, procureurs), qui occupaient les étages et louaient le rez-de-chaussée utilisé comme boutique.
Rue de la Flèche, du fait de l’implantation du Bureau des Courriers ou des Coches, ce dernier était, avec une maison contigüe, la propriété d’une famille de maîtres de poste, représentée en 1623 par un maître de la poste du Roi à Villeneuve, en 1642 par un contrôleur principal des postes de la Généralité et dès 1653 par un maître du bureau des courriers de Moulins. Les autres immeubles étaient possédés par des bourgeois (procureurs, conseillers, lieutenant des Eaux-et-Forêts).
En comparant ce quartier avec celui qui lui est contigu et que nous avons étudié récemment, le constat est identique concernant la période actuelle : modification de l’architecture du bâti et de son implantation, changement du statut social des habitants par rapport aux siècles précédents.
Mais, contrairement à son voisin, il ne possède aucun vestige qui nous rappelle son passé.
Georges Chatard
Sources :
-Aubert de la Faige – Les Fiefs du Bourbonnais. Tome II – Crepin-Leblond-éditeur – Moulins – 1936
-Marcel Génermont – Vieilles rues, plaques neuves – Editions des Cahiers bourbonnais – Moulins -1972
-Marie Litaudon – Moulins en 1460 – Crepin-Leblond-éditeur – Moulins – 1947
-Marie Litaudon –Moulins en 1660 – Les Imprimeries Réunie --Moulins --1961
-Pour le « Nid de Merle », les plans et les renseignements ont été fournis par M. Jean Godard, ancien chef de travaux-Investissement du domaine public de la Ville de Moulins
-Crédits photographiques : Jean Godard - Mylène Grosbot.